dimanche 21 décembre 2014

Ces instants-là - Herbjorg Wassmo

Ces Instants-là de Herbjorg Wassmo
Nombre de pages : 399
Prix : 24 euros
Langue originale : Norvégien
Date de sortie : Novembre 2014
Editions : Gaia
Genre : Drame, Contemporain
Résumé 
 " Elle grandit dans le nord de la Norvège, entre une mère insaisissable et une petite sœur adorée. Ainsi qu’un père incestueux. Son silence, elle le paie par des crises d’épilepsie et le surpasse grâce à l’écriture. Adulte, elle se nourrira de littérature. Avec une pudeur extrême et sans fard, Herbjorg Wassmo raconte ce qui fait une vie, en la présence majestueuse du Grand Nord."

Source : Livraddict


Mon avis
 Cette critique est la plus difficile qu'il m'ait été donné d'écrire. Ce livre est un tel OVNI qu'il me serait difficile de dire si c'est un coup de coeur ou pas. Les plusieurs extraits seront d'ailleurs bien plus parlant que mon opinion.

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 Elle est jeune et belle sans doute. Elle déteste son père plus que tout bien qu'on ne sache  jamais explicitement pourquoi. D'ailleurs, elle "n'aime" jamais personne et dira plus tard qu'elle n'a "pas d'âme".
Sa mère, personnage effacé et complexe est peut-être le seul être auquel elle se rattache et s'identifie.

"Elle voit les pensées de sa mère dans toutes les irrégularités sur lesquelles se reflète la lumière printanière"

 La naissance de son fils alors qu'elle est encore toute jeune vient changer sa vie, même si ça ne perturbe en rien ses plans. Son fils sera toujours "le garçon". Elle laisse sa mère s'occuper des enfants tandis qu'elle poursuit des études d'institutrice.
Plus tard, elle mêle une vie de famille chaotique avec un mari adultère et des enfants que l'on voit furtivement et un boulot d'enseignante. Elle enchaîne des périodes de "crises" inexpliquées - quelqu'un parle à un moment d'épilepsie. Mais ce qui revient constamment c'est cette satisfaction qui lui échappe toujours.
Elle est en perpétuelle recherche. Serait-ce du bonheur, on ne sait pas. Tout ce qu'on comprend c'est qu'elle ne sait pas "dire" les choses, et que les "mots" - même ceux qui manquent - ont une importance primordiale. Elle ne sait qu'écrire en histoires les choses qu'elle a ressenties. D'ailleurs un de ses buts dans la vie est d'être écrivain.

Le rêve est omniprésent et se mêle parfois à la réalité si bien que l'on ne sait si ce que l'on lit se passe vraiment ou est simplement imaginé. A ces moments, des auteurs morts lui parlent et la conseillent. Plus tard elle communique avec les personnages de ses romans. Elle les aide à progresser, mais bien souvent, ce sont eux qui lui ouvrent les yeux.

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Dès le début, j'ai été surprise par les phrases brèves et pourtant descriptives.  La beauté des mots, dès les premières pages, est ce qui m'interpelle le plus.

"Elle glisse en arrière vers ce qu'elle ne sait pas.
La rosée du soir s'élève des tourbières et du lac. Comme un souffle étranger. Rend tout irréel. Se dépose sur les tolets quand elle rame. La friction des avirons se fait lointains soupirs" 

 Le ton est tantôt incisif, tantôt plus doux mais toujours dans une formidable recherche de poésie des mots. J'ai été souvent subjuguée par des trouvailles esthétiques et par de très belles formulations.

"Au lieu d'avoir peur du noir et des arbres hauts, on peut y chercher refuge et se cacher. Elle peut se glisser sous les larges jupes odorantes des sapins et être entièrement seule. Là, auprès des histoires les plus effrayantes, la lumière est filtrée par des barreaux d'aiguilles et de branches de sapins et à l'orée du bois, de la mousse apparaît dans toutes ses nuances comme une douce consolation, quand les choses sont au pire"

On retrouve également un humour particulier tirant sur l'ironie qui vient dérider l'atmosphère toujours froide de ce récit - on est au Norvège après tout!

"Il est maigre et a des lunettes. Beau d'une façon brute, même s'il a des cheveux bouclés de garçonnet. Ses yeux sont du verre transparent et son nez est de travers. Ce qui pourrait être le fait d'un accouchement difficile ou d'un réverbère".

Ce qui est le plus "dérangeant" c'est cette énorme distance et froideur que l'on ressent du début à la fin. Il n'y a aucun nom, l'héroine est toujours "Elle", les différents personnages sont des "ils" dont l'attitude est bien mieux décrite que le physique. Difficile de s'attacher à quiconque, nous sommes forcés d'essayer de nous accrocher à ce "elle", personnage ambigu et sans visage.

Difficile également de savoir si cette froideur est une barrière volontaire de la part de l'auteur entre le lecteur et le texte, ou tout simplement la froideur de l'héroine mêlée à une incroyable objectivité. Peut-être un mélange des deux. Le meilleur exemple de cet aspect, est quand  elle se voit s'occuper des devoirs d'un petit garçon qui lui rappelle son fils : " Il remplace en quelque sorte le garçon qu'elle a à la maison". 

La solitude de l'héroine, même quand elle est en groupe nous confirme sa singularité et nous fait nous demander si elle n'a pas plus souffert qu'on ne nous l'a montré.

"La solitude n'est pas dangereuse. Tant qu'on est seul"

Un personnage difficile à cerner (pourtant on a 399 pages pour le faire), si bien que par moments on a juste envie de lui mettre une claque. Mais malgré tout, sa détresse apparente nous fait finalement nous attacher à ce que l'on connaît d'elle, en espérant apprendre ce qu'on ignore.

"De proche en proche, elle commence à se manquer à elle-même. Elle a plus de place, mais ne sait ou se mettre."

Son rapport privilégié avec la littérature, illustré par des conversations étranges et imaginaires avec Simone de Beauvoir, ou avec un des héros de Dostoievsky ou même ses discutions sur Meursault et sur l'absurde, viennent égayer et illustrer ce long récit.

" Celui qui est abandonné est son propre vide"
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Je ne peux que vous conseiller de le lire pour vous faire votre propre avis. Je ne vous promets pas d'adorer l'histoire en elle-même, mais je pense que personne ne peut résister à cette poésie onirique et ces splendides paysages du grand nord.

Merci à Priceminister et aux éditions Gaia, grâce auxquels j'ai découvert ce roman.




2 commentaires:

  1. Il a l'air très riche ce roman et me tente beaucoup.
    Claudialucia ( http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/ ) m'a déjà parlé en bien de cette auteur...

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    1. Oui, après coup je peux te dire que ça a été une belle découverte! je vais vite voir son blog (et le tiens par la même occasion), gros bisous :)

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